Cette vitrectomie (aspiration de la vitré et cautérisation au laser de la rétine déchirée) a été suivi d’un mois de convalescence. Le 27 septembre dernier, j’ai dû subir une deuxième opération.

Une membrane s’est formée sur la rétine pendant la cicatrisation et elle a dû être enlevée. Elle formait un repli au centre qui cachait un trou maculaire. La macula est une zone minuscule qui permet de distinguer les nuances des couleurs, de lire les petits caractères et de percevoir les détails d’un objet.

Heureusement pour moi, notre système de santé m’a pris rapidement en charge et j’ai été opérée par un excellent rétinologue. Dans plusieurs autres régions du monde je serais devenue définitivement borgne et dans certaines autres, avec de la chance, j’aurais perdu une grande partie de mon acuité visuelle.

J’ai réalisé pendant ma cécité temporaire que mon univers visuel se rétrécissait. J’ai de la difficulté avec les profondeurs de champs, l’évaluation des distances et la vitesse des objets en mouvement. Pendant cette période d’adaptation, j’ai tout de même réussi à produire quatre œuvres de ma nouvelle série «Histoires d’âmes».

Quelques soient les obstacles, j’ai besoin d’être créative. Je crois que si j’étais aveugle, je trouverais un autre moyen d’être active artistiquement, je me mettrais probablement à la sculpture, un art que j’aime beaucoup pour sa sensualité. C’est une drôle d’ironie du sort d’être à moitié aveugle pour une artiste. Quel dépassement cela commande t-il, comment transmettre la perception altérée de mon environnement?

J’explore, je m’adapte, je ne suis pas frustrée ni triste, je constate mes limites et ma fragilité et je me réjouis de pouvoir m’exprimer encore pendant beaucoup d’années et d’avoir la chance de récupérer la capacité de voir avec mes deux yeux, même imparfaitement. Cela donnera plus de valeur à tout ce que je pourrai observer jusqu’à la fin de ma vie en me disant que je suis chanceuse de profiter de toutes ces merveilles qui m’entourent grâce à mes cinq sens en bon état.