Nous ne venons pas au monde avec le même capital Beauté. Les belles personnes n’ont aucun mérite particulier pour avoir reçu cet héritage. Toutefois, elles auront une épreuve supplémentaire à traverser, le prix à payer, si elles vivent assez longtemps.

La belle femme souffre plus que les autres en vieillissant. Elle a eu beaucoup d’attentions ; elle a attiré les regards, on était plus gentil avec elle, les hommes les plus intéressants ont tentés de la séduire (quand ce n’est pas le mari de sa meilleure amie, ouch!), elle a parfois obtenu plus facilement des promotions… Elle prend conscience de toute cette attention, surtout quand elle commence à diminuer, dommage !

Elle se voit vieillir jour après jour dans son miroir, son ami devient son ennemi. Elle se compare avec ce qu’elle était auparavant, avec les femmes jeunes et belles, et elle commence à souffrir de voir l’attention migrer ailleurs que sur sa personne. Si elle s’est assise sur ses lauriers toute sa vie jusque là, la transition sera extrêmement pénible, voire impossible et elle tombera dans le déni, dans le pathétique. Elle se tournera vers la chirurgie, le jeune amant gigolo, la compensation financière, la manipulation, l’exercice du pouvoir… En résumé, elle deviendra « chiante ».

Si elle est lucide et intelligente, elle a compris (pendant le repas au resto chic) qu’il y aurait une facture élevée à payer. Plus elle en a profité, plus la transition sera difficile. Si elle possède un bel équilibre à la naissance en plus de la beauté, cela se passera sans trop de heurt, graduellement, sinon il risque d’y avoir des périodes de crises aiguës (la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine,…), des périodes qui demandent une croissance intérieure et qui exigent de faire des deuils ; le deuil de la beauté en plus de l’éphémère jeunesse.

J’ai une très bonne (belle) amie « ordinaire» qui me disait comment elle appréciait son état en vieillissant et qu’elle ressentait de la compassion pour les belles femmes vieillissantes de son entourage qu’elles observaient en train de lutter contre l’inéluctable.

Personnellement, j’ai reçu, à la naissance, un capital Beauté plutôt intéressant. J’étais un beau poupon, une jolie petite fille, une belle jeune fille, une belle femme et je suis en train de devenir une belle femme d’un certain âge. Je crois que la beauté intérieure que j’ai réussie à cultiver pendant toutes ces années se reflète actuellement dans l’expression de ce que je suis. Je trouve tout de même difficile de vieillir, certains jours, plus que d’autres.

Je regarde les belles jeunes femmes avec un grain de compassion. J’espère qu’elle sont conscientes qu’elles sont dans un chic resto et que la facture s’en vient (parfois plus vite qu’on ne le souhaiterait) !

Détester la beauté - Pierre Foglia